14 octobre 2010

La Chronique Faussement Mode d'Alice

















(Photo de Brassai )


Je vais le revoir. Lui. Le seul. Celui que j’ai aimé, vraiment, si fort, mais que j’ai quitté des années auparavant. Ce n’est pas la première fois que je le revois depuis que nous nous sommes séparés, mais ça fait quand même bien longtemps qu’il ne m’a pas vue.

C’est bizarre de revoir son ex, en le sachant à l’avance, en ayant le temps de s’y préparer, d’imaginer ce qu’on va lui dire. De s’évaluer surtout.
D’habitude, on revoit son ex sans s’y attendre, à une table de restaurant, où on est suffisamment loin pour faire semblant de ne pas l’avoir vu, ou de très près, au détour d’une rue, mais où on peut prétexter un rendez vous très très urgent pour s’enfuir, très très vite. La dernière fois que j’ai revu un ex par hasard, c’était de dos, dans la file d’attente du McDo. Lui : yuppie sorti du bureau, s’achetant une salade pour bosser son prochain dossier jusqu'à minuit. Moi :   Je ressemblais tellement à quelqu’un qui vient de sortir de chez elle, en plein période régressive post dépression, venue là pour acheter sa dose de gras que j’ai fait demi tour et suis partie en face, chez Quick. C’était moins bon, certes, mais moi seule, au moins, avais eu conscience de cette petite humiliation du quotidien.

Cette fois ci, je ne peux pas fuir. On a rendez-vous. Pourquoi se revoir ? Je n’en sais rien. En ami, on a dit, parce qu’on était ami avant et que ce serait dommage de perdre cette amitié. Mouais… Plus je passe en revue ma garde robe, essaye, enlève, jette par terre ce pull informe, finalement, c’était une erreur de l’acheter, et cette jupe, beige, ringarde, plus je me dis que se revoir     « en amis » c’est vraiment des conneries !
On n’est plus amis depuis qu’on s’est brisé le cœur ! Alors pourquoi ?

Oh, et puis, merde ! J’y réfléchirai plus tard !
Là, tout de suite, je change mon fusil d’épaule, et je décide qu’il faut lui en mettre plein la vue ! Au fond, je n’ai pas vraiment de raisons. Je suis en couple, lui est célibataire depuis des mois, ou rien de sérieux. Je le sais parce que Maria me l’a dit. Maria fait partie de nos amis communs qu’on a gardés mais qu’on voit chacun de notre coté. A croire que nos amis communs se sont toujours évertués à nous tenir à distance. Sauf au mariage de Maria avec Alex, évidemment, mais là, c’était impossible de ne pas nous mélanger. Je disais donc, je n’ai pas de quoi stresser, puisque je suis en couple, j’ai un nouveau job, je voyage pas mal, et, je sais même, par Maria, qu’il est en pleine phase existentielle du genre « vais-je me marier un jour, suis-je fait pour avoir des enfants ? Est-on libre de choisir sa vie ? Etc. ». Et c’est moi qui l’ai quitté,            il était soulagé que je le fasse, mais n’empêche, c’est moi qui lui ai dit, au téléphone, il y a exactement 7 ans : « j’en ai assez, je crois qu’il vaut mieux qu’on se sépare ». Donc, sur le papier, je le bats par K-O !

Difficile d’être parfaitement lucide avec soi. Avec son corps. J’ai vieilli, un peu, j’ai grossi, pas mal, j’ai l’air fatigué surtout…je dois exagérer, tout ne peut pas être si négatif quand même, non ? Je vais opter pour de la crème auto-bronzante « hale progressif », histoire d’avoir meilleure mine. L’idée, c’est d’avoir l’air E-PA-NOU-I !
Là, je me dis que la confiance en soi c’est un travail de chaque jour et que je n’ai pas fait mes devoirs d’autosatisfaction depuis trop longtemps…on va s’aider un peu avec Britney et « womanizer » à tue tête !

En ce moment, la tendance est aux années 60 ou 70. Ça m’arrange, parce que les couleurs que personne n’aime d’habitude comme rouge brique, bordeaux, grenat, orange, moutarde, me vont très bien. J’opte donc pour un jean brut, un haut moutarde col V et un de ces supers push up achetés a l’occasion de ma chronique DESSOUS CHICS, j’ajoute les escarpins en satin bleu, hommage sur terre au dieu des pin’up, un vernis impeccable, des boucles d’oreille tombantes chinées à Brooklyn, et appose la touche finale, une pochette cuir assortie à mon vernis.
Coté make up, je réalise que le hale progressif est vraiment trop progressif… correcteur très clair, ombre à paupières violine très foncée Mac, un mascara Dior qui sé-pa-re et allongeuhhhh , un soupçon de blush, et le tour est joué. Plus je faisais pétasse, moins je courrais à l’échec. Enfin, le moment magique, les gouttes d’un parfum qui fait chavirer.

Bip…bip…bip… j’ai un sms de Samantha qui est ok pour un apéro parce qu’elle n’est pas loin de chez moi et veut me présenter le prochain cobaye de sa rubrique ROSE. C’est exactement ce dont j’avais besoin : une fille, un cobaye qui ne sait pas qu’il en est un, et…de l’alcool !
Samantha me trouve canon ! Je crois que c’était surtout ça dont j’avais besoin! 4 verres de rosé frais, 2 olives soient 3,5 points Weight Watcher, et 2 sms, disant que je suis en retard à ce rendez vous qui me terrifie, plus tard, je file place du Trocadéro où Il attend depuis une heure.

La soirée se passe, on dine, mais il ne me regarde jamais dans les yeux, ou si peu. Je m’efforce de parler, de tout, sauf de nous. Je bois, encore plus de vin, et plus je bois, plus je parle, et plus je parle et moins je parle de tout, mais plus je parle de nous, ce « nous » qui me manque tant, ce « nous » qui est resté finalement en suspens, ce « nous » qui me brûle les lèvres et qui finit par se traduire par, et alors que je parlais de Maria, enceinte d’Alex, « avec toi, avoir des enfants c’était une évidence, je suppose que pour Maria et Alex, ce doit être pareil ».
Apres le silence qui a suivi, il a fallu prendre sur soi pour faire comme si cette phrase était anodine, et continuer sur Maria. On n’a fini la soirée par être en désaccord sur tous les sujets qu’on abordait et j’ai finalement refusé qu’il me raccompagne, surtout après m’avoir dit, l’air de rien, que j’étais la personne qu’il avait le plus aimé mais que je faisais partie du passé depuis que je m’étais mariée.
Je suis rentrée chez moi, en taxi, je n’ai pas pleuré, ou alors je le nierai, mais après que mon premier amour m’ait quittée place de l’Hôtel de ville, et ces retrouvailles ratées, gâchées, sans avoir su vraiment ce que j’en attendais, place du Trocadéro, il me semble que Paris n’est pas la ville des amoureux, en tout cas, pas aujourd’hui.

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