19 mai 2011

La chronique irréelle ou pas ... Sa vie racontée


Je me réveille ce matin vers 17h.
Une pluie diluvienne et abondante se déverse sur l'horloge gigantesque de Big Ben. Mon duplex face à la Tamise, est un champ de bataille inavoué, où les cendres des discussions se mêlent aux verres d'alcool asséchés et vomis de la veille.

Heureusement, en composant 8 chiffres sur mon portable, la femme de ménage accourt, range, trie, nettoie, astique et fait briller mon appartement comme une fée. Elle ne devra pas oublier de laver mon slip Banana Republic, de faire mon lit et de me préparer une omelette bien poivrée et sans sel. Eh oui, je suis né prince, fils d'une bonne idée: La royauté.

Cela me donne quelques privilèges non négligeables, mais j'en abuse toujours avec modération. Les œufs ingurgités avec un coup de rouge, me font le plus grand bien, mon teint blafard retrouve les rougeurs caractéristiques de l'Anglais pur sang. Je me sens bien, assez réveillé pour entamer une nouvelle sieste de douze heures, lorsque le Bip de mon fax traverse le silence de la pièce. Mon père, Charles, remarié avec cette infâme salope et fausse blonde platine, m'a faxé un mot:
Je compte sur toi pour ne pas faire de bêtises ce soir. Affectueusement. Ton père.

Serais-je Alzheimer? J'avais oublié que ce soir encore, il faudrait remettre la machine en route. Car, ce soir, je fête mon enterrement de vie de garçon.
Tousmes amis de longue date ainsi que mon frère, participeront à une soirée "festive mais pas trop", selon le communiqué de la famille royale auquel j'ajouterai ironiquement: "dans une ambiance bon enfant".

Les premiers invités arrivent déjà. Pas encore remis de la veille, ils apportent des bouquets particuliers: Vodka, Gin, Campari, Tonic...

Pour une fois, libéré de ma Kate et de ses conneries languissantes, je compte profiter de ma soirée. Mon frère a organisé un jeu de pistes dans une dizaine de discothèques branchées, une sorte de course aux trésors. Le temps passe, les bouteilles se vident progressivement, les discussions prennent du poids, s'enveniment gentiment. La musique aide à faire danser les gens. L'alcool aussi.

Un ami, qui me voit seul sur ma chaise, prend ma main et la met dans la poche de son jean.Elle en ressort toute blanche, presque purifiée, je n'ai jamais pris de cocaïne jusqu'alors.
Pourtant, mon frère, Harry, m'a souvent incité, "un peu de coco, tu te sentiras plus à l'aise car tu es assez chiant ce soir" J'ai toujours admiré son côté direct, superficiel et provocant, capable de tout, vivant sans limites aucunes.

L'air me manque, on me sert un dernier verre (celui de trop en général). Jamais je n'ai bu comme ça, il faut bien oublier les futurs moments difficiles que je vais vivre avec Kate. Je bois encore pour oublier toutes les tensions à venir, mon divorce prochain avec cette femme qui m'insupporte déjà avec son manque de classe total. Elle qui ne sait pas à quoi sert la 3ème fourchette et qui tient son couteau comme un cutter.

J'ai soudainement envie d'envoyer valdinguer cette satané bouteille de Grey Goose qui ne se vide jamais, d'insulter mes amis d'enfance en leur disant que de toutes façons, ils ont toujours été à mes côtés à cause de mon sang royal, que l'hypocrisie me dégoûte et que je vis cette royauté comme une malédiction. Moi qui aurais aimé être "comme tout le monde", aller chercher une baguette le matin sans me faire alpaguer par une foule de cons, implorant une photo, un sourire, une attention, une phrase, un mot, une voyelle.

J'observe Harry, mon frère, ce noceur invétéré que je jalouse en secret car capable en soirée d'ingurgiter une bouteille de vodka de plus que moi. Mon frère, qui prend les femmes, comme on prend le thé à Londres, c'est à dire de façon symétrique et systématique, comme une vieille habitude qui ne demande ni effort ni passion. Moi, qui à chaque fois, lui rend visite dans son appartement secondaire de Chelsea, me fraye un chemin entre strings et petites culottes. Ce frère qui utilise la mort de notre mère pour attendrir ses proies, en faisant rouler des larmes chaudes et salées le long de ses joues roses(beef). Cette couleur de peau tant moquée par les français, mais pour nous si pratique car elle permet de confondre nos ivrogneries. Ce frère et son humour British à la manière de Hugh Grant, lui offre le monde dans sa poche, si petite soit elle, mais tellement confortable.

Son goût appliqué pour les voitures de sport extrêmes alors que moi, je ne me déplace qu'en taxi, ayant la richesse modeste. Son caractère casse-cou et aussi casse couille, lui le premier à tenter ce que des grandes personnes sérieuses nous disent de ne surtout pas faire, comme jouer avec le fusil d'oncle Albert, faire des blagues potaches à Elizabeth notre grand mère, partir jouer à la vraie guerre en Afghanistan pensant être un héros soldat alors qu'une mise en scène grotesque lui était destinée là bas.

Tout à coup, le cafard s'empare de mon petit moi sans défense et en désordre. J'ai l'impression de faire le bilan vodkacocainisé de mes trente premières années. C'est une terrible souffrance, j'en tremble. Pour aller mieux je bois ma vodka, directement au goulot désormais. Je ne perds plus de temps à servir le breuvage dans mon verre, je dois rattraper 30 ans de sobriété.

La bouteille est scotchée à ma main, elle me suit partout, elle est mon ombre. L'alcool, je ne le sens plus et je comprends maintenant l'expression "cette vodka se boit comme de l'eau".

Ma gorge est devenue insensible aux 40 degrés. La bouteille s'épuise, comme une mer qui descend, et qui va atteindre la marée basse par fort coefficient.

Mon frère est toujours là, se pavanant, montrant à tous sa fierté. Il est partout, c'est un Dieu.

Il est, comme d'habitude, complètement défoncé. Il se met debout sur la table et commence à gueuler un chant nazi avec un sourire démoniaque. Les invités se mettent à rire, sauf un ami, Simon Cohen, qui ne sait plus ou se mettre. Les gens l'admirent, il continue avec ses blagues, "les juifs sont des gens très sales, ils ont horreur des douches". Simon qui sent que la soirée peut basculer en un instant, prend son écharpe et s'échappe, mon frère lui crie:

"C'est ça ! Va te cacher dans un four". Les invités le regardent avec une admiration infinie pour son impertinence. Quoiqu'il fasse, il sera toujours pardonné grâce à son sourire d'ange et ses cheveux couleur blé roussi.

J'attrape la téquila Gold, la bois pour effacer cette soirée. En espérant que demain je ne me souvienne de rien. Je remplis un verre que je vide aussitôt. Puis un autre. Ce soir c'est MA soirée, MON enterrement de vie de garçon et on ne voit que lui. Je suis invisible.

Je suis Willy, ce surnom grotesque donné par Harry en référence au film Sauvez Willy. Je me suis toujours senti minable par rapport à lui. De deux ans son aîné, c'est pourtant lui qui a du pouvoir sur moi, me traitant de prince raté, d'homme sérieux et chiant qui ne profite pas de la vie royale, prince mou qui passe ses journées à dormir ou manger du pudding, incapable de boire et de faire la fête assidûment. Tout à coup tous ces reproches m’éclatent à la figure, ils semblent tous criants de vérité, et si je n'étais qu'une merde?
Maman, reviens. Pourquoi m'as tu abandonné? Et lui aussi? Regarde ce qu'il est devenu! Il me fait honte, il représente tout ce qui ne va pas dans ce monde: l'égoïsme, le manque de repères, le profit, la folie…

Toutes ces bouteilles bues ne semblent pas suffire à éradiquer mon malheur. Il m'en faut plus, je vais à la cave, j'ouvre les bouteilles de champagne de Papa. Je me cache pour écluser ces millésimés. Acte profane.

Pour une fois je me sens vivre, exister en m'autorisant l'interdit.
Les bulles du champagne emprisonnées dans cette bouteille depuis un siècle me chatouillent le nez. Je suis un sauveur de bulles de champagne, "libérez vous mes belles, je suis votre guide spirituel qui vous montre les chemins de la liberté"

En remontant à la surface, je réprime mes pulsions d'assassin voyant Harry tripoter les seins d'une très bonne amie alors que je sais qu'il ne connait ni son nom, ni son âge (17 ans)

J'essaye de l'en empêcher mais il l'emporte toujours, en deux mots il m'empêche d'agir, je me sens ridicule, puni comme un petit garçon qui aurait mangé tout le chocolat. Je m'empare d'une bouteille de Vodka Skyy, bleue et longue, je la tends vers le ciel tel un sabre brillant au soleil, et je l'abats violemment sur la nuque de mon frangin.

Les cris paniqués des invités me sortent de mon rêve fratricide devenu réalité. La bouteille toujours à la main je bois un dernier verre mélangé au sang de mon frère. C'est un cocktail mortel.
Une expérience royale.
Il est tard, je crie: « Bon, vous allez me rangez tout ce bordel, je vais me coucher Bon sang c'est qui le Prince ici ? »

GASPARD


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